"Dar el 3erss, khir men darna"
Je suis une citoyenne normale... Enfin , je crois.
Je suis née ici, fait la majorité de mes études ici, je travaille ici. J'ai des amis , de la famille... ici aussi.
Je fais partie de la classe moyenne tunisienne et je suis issue d'une famille nombreuse et traditionnelle. Chez moi, ça parle rarement français (non par ignorance mais par habitude) et ça mange du typique tunisien.
Rien de plus banal, diriez-vous.
Mais dans cet "ici", je ne me sens pas chez moi.
Nous sommes en 2007. Dans quelques semaines, ce sera la 51ème fête de l'indépendance.
51ans d'Indépendance?!
A quel point puis-je me sentir indépendante?
- Je regarde une télé étrangère parce que je m'ennuie devant nos chaînes.
- Mes amis et moi nous regroupons souvent autour d'un thé dans des cafés à nomination étrangère. ça relève de l'exotisme quand nous tombons sur un établissement ayant un nom arabe. (et je ne parle pas des cafés ou se rassemble la gente masculine et dans lesquels une fille n'osera jamais mettre le pied :-))
- Je ne sais pas si la littérature tunisienne est agonisante ou c'est moi qui suis aveugle quand j'entre dans une librairie. Rares sont les livres dont les auteurs sont tunisiens, ils existent, mais ils sont éparpillés dans un fouillis de livres étrangers beaucoup plus attrayants par leur présentation, titres et peut-être même contenus. Problème de budget? Manque d'encouragement de la part de l'Etat? Manque d'inspiration de la part des auteurs? Censure? Autocensure?
- On mange surtout du Délice...Danone, du fromage Président, on boit du café Nescafé. Et on laisse Laino, Beldi, Riki et le café lyophilisé Ben Yedder traîner sur les étalages. Est-ce faute de confiance en le produit local? Ou faute de qualité?
- Cela va faire 5ans que je suis entrée dans la vie active. Et pendant ces 5ans, j'ai survolé 3boîtes, qui font de l'offshore et qui ont une majorité de clients étrangers.
L'offshore, c'est ce qui marche le mieux actuellement. La Tunisie est une mine d'or pour les pays qui délocalisent. Idem pour le Maroc, et l'Algérie est entrain de suivre. Le local et la main d'oeuvre y sont 3 à 4fois moins chers, le calcul est donc vite fait...
Et pour notre pays, c'est une très bonne affaire de tous les points de vue. Sauf que j'ai peur que le territoire devienne à terme un énorme espace à louer avec ses bâtiments et sa jeunesse usée. (J'exagère, je sais)
Le plus affligeant, c'est dans un grand nombre de ce type de boîtes, les postes de haute responsabilité sont détenus par des étrangers, il est très difficile pour un Tunisien d'y accéder. Nous sommes sollicités essentiellement pour l'exécution et très peu dans un mode autonome, ce qui n'est pas très valorisant, ni assez enrichissant pour un plan de carrière.
Franchement, je n'ai pas à me plaindre, je crois être du bon côté et en bon chemin pour l'instant. Il est vrai que je fais 48heures par semaine mais j'ai un travail, un salaire et même parfois, de la reconnaissance.
Mais je me demande souvent pourquoi je ne travaillerais pas dans une autre entreprise offrant les mêmes services et avantages mais avec une seule différence: qu'elle soit tunisienne!!! Certes, il y en a, mais combien?
Pourquoi offrons-nous notre terre, temps, travail et savoir-faire à l'autre alors que nous pouvons en tirer un meilleur bénéfice?
Jeunesse considérée comme pas assez mature pour s'assumer? Encore un problème de budget ? (je n'y crois pas tant qu'on continue à s'amuser à détruire et reconstruire les autoroutes) Une aspiration vers la Mondialisation (dont je ne comprends pas le principe)? Ou peut-être avons-nous pris goût à l'assujettissement et au colonialisme: La liberté est difficile à assumer et c'est tellement plus facile d'exécuter...
Je suis sûrement pour quelque chose dans tout ça, mais en même temps, on ne m'a pas offert de meilleures opportunités. Je ne pense pas être mal renseignée étant donné que je m'intéresse à la plupart des supports de communication dans le domaine, accessibles dans le pays.
Mes réflexions et questions peuvent êtres simplistes pour certains, trop subjectifs pour d'autres. Mais je parle de mon propre vécu et je suis certaine que ceux qui partagent ce quotidien et ces idées existent sur notre territoire.
51 ans "d'indépendance"... Le temps passe vite, et notre pas est toujours si lent.
Libellés : Société, Tunisie